mardi 18 janvier 2022

Abysses



Salle Roland Topor
12h30

Synopsis

Carnet de plusieurs séjours à Lampedusa, l’île italienne désormais connue pour ses débarquements innombrables et ses camps d’accueil des migrants.

La volonté de l'auteur est de nouer sa vie familiale (son père et son oncle), au drame de ces familles échouées.

Il incruste un autre matériau documentaire, composant une rythmique sourde et poignante, l'avis des sauveteurs, celui des pêcheurs et des habitants de l’île sur ce phénomène inhabituel, ces corps sans vie, ces destins naufragés qui viennent bouleverser leurs rêves et leur travail.


Extrait du texte :

C'était il y a quelques années. Mon téléphone sonne.

Mon ami poète et dramaturge allemande Albert Ostermaier m'appelle.

« Davide, tu vouloir venir Festival Littérature Munich ?»

« Merde alors, ben oui, si vous m’invitez en Allemagne, je viens. » 

« Mais toi devoir écrire quelque chose. »

« Pourvu que vous me fassiez venir en Allemagne, j'écris ce que tu veux. » 

« Pourquoi toi ne pas aller Naples parler avec réfugiés ? »

« Albert, pourquoi je ne vais pas plutôt à Lampedusa ? »

« Quoi être Lampedusa ? »

« J'y vais. »

Je termine ce coup de téléphone - durant lequel je me donne finalement une échéance d'écriture sur un sujet que je fuis depuis des années, vu que je continue à aller à Lampedusa et que je ne parviens pas à écrire quelque chose - et à l'instant précis où je raccroche le téléphone, je sens des frissons remonter du coccyx à la nuque, me fouettant le dos. Et c'est un élan de mon corps que j'ai appris à reconnaître et à intercepter.

Pour qui fait un travail de création, il est utile d'apprendre à reconnaître les modalités avec lesquelles parlent le corps, la manière dont il nous communique les angoisses ou, comme dans ce cas, une intuition. Et l'intuition est un cheval sans cavalier qui t'emmène dans des territoires autrement inexplorés, il faut juste ne pas démonter, voilà. Et mon intuition en cet instant me fait dire : « Quand est-ce que je vais à Lampedusa et que j'y emmène mon père. »

Je suis de Palerme.

Mon père est de Palerme.

Et mon père est semblable à tous les papas de mes amis de Palerme.

Et ces papas sont semblables à leurs pères, lesquels sont semblables aux pères de leurs pères, et ce jusqu'à la nuit des temps. Mon père est muet.


Distribution

Auteur : Davide Enia
Traduit de l’italien par : Olivier Favier
Mise en lecture : Jacques Bonnaffé
Avec : Léon Bonnaffé, Jacques Bonnaffé

Mentions de production

Production Compagnie Faisan


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